Ce disque n'est rien de moins qu'un enregistrement daté du 25 avril 1965 du légendaire Theatre of Eternal Music également appelé Dream Syndicate. Ce collectif, fondé par La Monte Young, Marianne Zazeela, Tony Conrad, John Cale et Angus MacLise, est aujourd'hui reconnu comme ayant posé les fondations de la musique minimaliste. Participèrent également à ce collectif Terry Riley, Jon Gibson, Jon Hassel, ou encore le jazzman Lee Konitz. John Cale et Angus MacLise rejoignirent quelque temps plus tard Lou Reed et The Primitives, qui deviendra The Velvet Underground.
"Day of Niagara" se présente sous la forme d'une seule plage d'un peu moins de trente minutes de sons continus enivrants produits par Tony Conrad et John Cale aux violons (instruments dominants sur l'enregistrement) et par les voix (difficilement identifiables) de La Monte Young et Marianne Zazeela. Bien qu'Angus MacLise soit également crédité, aucune percussion n'est réellement perceptible. Selon La Monte Young, le label Table of Elements aurait publié là une copie illégale de mauvaise qualité dont La Monte Young posséderait non seulement l'enregistrement original (de meilleure qualité) mais aussi (et surtout...) les droits ! Et on se demande donc pourquoi il ne les publie pas...
En fait, La Monte Young, qui n'aurait rien perçu de la publication de ce disque, se considère comme le seul et unique auteur de "The Tortoise, His Dreams and Journeys" dont "Day of Niagara" ne constitue qu'un extrait, de surcroît non représentatif selon La Monte Young... Il lui préférerait "The Well Tuned Piano" longue pièce (enregistrée en concert en 1987 et publiée par Gramavision en 1992 en coffret 5 cd) où il joue en solo au piano, accordé en intonation juste, pendant plus de 5 heures. "The Well Tuned Piano" paraît plus proche de l'œuvre de Morton Feldman et est difficilement comparable à "Day of Niagara".
Il faudrait plus logiquement considérer Day of Niagara comme une création collective, et n'appartenant pas à un seul des participants, mais à tous les musiciens, voire, pour pousser le bouchon un peu loin, à tous les auditeurs puisque leurs oreilles recrées autre chose à partir de ce qu'elles captent ! Si la qualité de l'enregistrement laisse à désirer il s'agit d'une des rares traces audibles du collectif. La polémique soulève la question de la propriété d'une musique qui se veut intemporelle, éternelle. Tout comme les concepts de performance et de compositions / actions, courants au sein du mouvement Fluxus, cadraient en leur temps assez peu avec les formes juridiques, mais dont les traces (partitions et autres) se vendent à prix d'or. Lorsque l'on flirte avec les sphères de l'art contemporain, c'est la cote qui tient la mesure, non musicale celle-là.