Myriam Crampes

Des Minutes de Silence (Vimeo, 2020)

Depuis quelque temps, Myriam Crampes produit un travail vidéographique alliant l'image, la danse et la musique. Sa dernière production en date, "Des Minutes de silence", est inspirée par l'ouvrage de Frantz Fanon Peau noire masques blancs (Seuil, 1952) sur une musique du trio "Dieu".

Que l'on soit croyant, athée ou agnostique, cela fait peu de différences face à une réalité historique objective : la colonisation, sous couvert de christianisation de populations "sauvages", a été portée par une mythologie de la modernité et du progrès. Cette logique s'est imposée au XIXe siècle, avec le matérialisme occidental, qu'il soit capitaliste ou socialiste. Cela fait aussi peu de différence. Capitalisme et socialisme peuvent être mis dos à dos. Ils obéissent à une même volonté d'imposer la production industrielle comme modèle global.

Aussi, cette vidéo de Myriam Crampes propose : « Des minutes de silence et des lectures de textes pour tous les crimes racistes, misogynes, homophobes. Des minutes de silence pour tous les ouvriers qui meurent sur leurs lieux de travail ou de leurs conséquences. Des minutes de silence pour toutes les personnes qui se suicident à leur boulot à cause de la pression. Des minutes de silence pour tous les scandales sanitaires, pour toutes les espèces disparues ou en voie de disparition.»

La vidéo n'est pas silencieuse. L'esthétique "sublime" de la mythologie de la modernité est ici contrée par les bruissements, crissements et vrombissements vivants du trio "Dieu". Fort à propos, il déboulonne de leur piédestal toutes les divinités en une improvisation salvatrice. Le Christ incarné en sa croix de crucifié, image morbide d'une cène trop longtemps supportée, se désintègre en incrustations de nature colorimétriques et dans des sonorités d'une violence impalpable.

Myriam Crampes produit et danse en quasi ombres chinoises. Le trio "Dieu", composé de Heddy Boubaker (basse électrique), Jean-Sébastien Mariage (guitare électrique) et Mathias Pontevia (percussions et batterie horizontale), fournissent les effets pour une mise à mort incandescente de l'idée de divinité. Myriam Crampes feuillette de ses mains fébriles le texte de Frantz Fanon Peau noire masques blancs.

© Eric Deshayes - neospheres.free.fr