Une brève histoire des musiques électroniques

Un rapide tour d'horizon des grandes phases de développement des musiques électroniques.

L'histoire de l'électronique musicale débute avec le Telharmonium et le thérémine. Entre 1895 et 1905, Thaddeus Cahill développe le Telharmonium, véritable centrale électrique à sons, et fonde une compagnie pour la distribution de musique électrique par téléphone, compagnie qui périclita rapidement. En 1920 Leon Theremin crée le thérémine, qui peut être considéré comme le premier instrument électronique : les fréquences sont contrôlées par les gestes des mains selon leur distance par rapport à deux antennes.

Dès leur apparition les techniques de production, de transmission et d'enregistrement du son ont fait l'objet de tentatives de transpositions dans le domaine de la création musicale. Souvent anecdotiques, celles-ci ne doivent cependant pas cacher au moins deux faits d'importance : un élargissement du spectre sonore et une remise en question de l'interprétation, de l'audition, voire de l'acte compositionnel.

Les futuristes italiens (Luigi Russolo, Filippo Marinetti...) entendaient élargir la matière musicale à tous les sons. Ils publient L'art des bruits en 1913. Dès les années 1930, Edgar Varèse tenta d'exploiter les nouveaux appareils pour trouver les sonorités qu'il cherchait vainement dans l'instrumentarium classique. Mais c'est au lendemain de la seconde guerre mondiale que l'électroacoustique fait réellement irruption dans le champ des musiques contemporaines. La musique concrète est "officiellement" née dans le Studio d'Essai de Radio-Paris en avril 1948. Pierre Schaeffer y fit ses premières expériences musicales à l'aide de sillons fermés sur disques 78 tours (l'effet "disque rayé"). Pierre Henry le rejoindra au sein du Groupe musique concrète et ils créeront la première œuvre concrète d'importance : Symphonie pour un homme seule (1950), dont le titre laissait transparaître cette angoisse ressentie par Pierre Schaeffer : ils étaient les monstrueux géniteurs d'une "musique sans musicien". En 1958, le Groupe musique concrète devient Groupe de Recherches Musicales (GRM) et s'instaure comme un véritable laboratoire-école d'électroacoustique où se formeront et évolueront les principaux compositeurs électroacousticiens français : Bernard Parmegiani, Michel Chion, François Bayle, Christian Zanesi...). Le CD-Rom de l'INA-GRM La musique électroacoustique relate l'épopée de cette "école française". Le Canada est également devenu l'une des principales terres d'accueil de l'électroacoustique (également appelée "acousmatique") tout particulièrement à l'Université de Montréal sous l'impulsion de Marcelle Deschêne et de Francis Dhomont.

Au lendemain de la Seconde guerre mondiale, les adeptes du sérialisme intégrale trouvaient dans les nouvelles techniques le moyen de mener plus loin leur désir de contrôle du phénomène musicale. Le studio de la West Deutsche Rundfunk à Cologne fondé par le Dr Werner Meyer-Eppler et Robert Beyer en 1951 (bientôt rejoints par Herbert Eimert et Karlheinz Stockhausen) constitue véritablement le premier studio de musique électronique. De nombreuses autres créations de studio suivront : le Studio de Phonologie Musical de la RAI, à Milan, créé par Bruno Maderna, Luciano Berio et Luigi Nono en 1955 ; le studio de la radio NHK (1956) à Tokyo, par Mayuzumi, Moroî, Takemitsu ; le Columbia-Princeton Electronic Music Center fondé en 1959 par Wladimir Ussachevsky, Otto Luening et Miltton Babbit (où étudia Ingram Marshall, avant qu'il ne devienne l'assistant de Morton Subotnick au California Institute of Arts).

Aux Etats-Unis, des initiatives hors du domaine sériel ont également vu le jour : le San Francisco Tape Music Center fondé par Morton Subotnick en 1959, équipé des prototypes de synthétiseurs de Donald Buchla et où travailleront, entre autres, Terry Riley, Pauline Oliveros et Steve Reich. Le Sonic Arts Union (David Behrman, Robert Ashley, Alvin Lucier, Gordon Mumma) a particulièrement marqué le domaine de la "musique électronique vivante", ce collectif mettait en commun ses propres instruments électroniques bidouillés de façon artisanale. L'un des grands pionniers oubliés de la musique électronique aux Etats-Unis est Richard Maxfield (ayant mis fin à ses jours en 1969, il est inévitablement resté dans l'oubli). Prenant la relève de John Cage, en 1959, à la New School for Social Research à New York, Richard Maxfield enseigna, sans doute le premier aux Etats-Unis, les techniques de création musicale à l'aide de sources électroniques. La Monte Young, pionnier d'un minimalisme radical basé sur l'émission de sons continus (électroniques ou non), fut son assistant.

Mais ces nouveaux outils restent onéreux et se répandent tardivement dans la sphère pop. A la fin des années 1960, débuts 1970, le rock planant allemand, dit "Krautrock" sera l'un des plus fervents utilisateurs des nouveaux synthés. Tout particulièrement la scène berlinoise où Tangerine Dream, Klaus Schulze, Ash Ra Temple exploreront en pionniers des espaces musicaux intersidéraux. Mais aussi Kraftwerk alors en quête d'un "musique électronique contemporaine", qui avec l'utilisation du synthétiseur moog, transcendait son propre concept avec "Autobahn" en 1974.

Aujourd'hui : l'électronique a envahi le domaine de la création musicale, aussi bien dans la techno que dans la variété pop rock. Chacun peut se constituer son home studio. En utilisant des sonorités synthétiques ou encore des accidents de création, l'electronica et l'intelligent techno questionnent la technologie elle-même (Autechre, Aphex Twin, les labels Warp, Mego...). L'apprenti bidouilleur dans son appartement se retrouve ainsi sur un même terrain d'expérimentation que les acousmates.

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