TERRY RILEY

Atlantis Nath (Sri Moonshine, 2002)

TERRY RILEY Atlantis Nath (Sri Moonshine, 2002)

Terry Riley nous livre avec Atlantis Nath l'un de ses plus beaux albums, l'un de ses plus personnels aussi. Si personnel qu'il a décidé de créer son propre label, Sri Moonshine, pour le publier en 2002. Il s'agit de son premier véritable album studio depuis Shri Camel en 1979. Ces disques suivant furent en effet soit des enregistrements de compositions par divers ensembles, soit des albums " live ". Atlantis Nath propose en quelque sorte une synthèse des diverses pistes que Terry Riley a explorées depuis la fin des années 1950 : la musique minimaliste bien-sûr, mais aussi le Jazz, la Tape Music (qui trouve aujourd'hui ses prolongements dans l'utilisation de l'électronique et du synthétiseur), son apprentissage du chant raga indien avec Pandit Prân Nath.

Selon une interview accordée à Stéphane Lelong, pour le livre Nouvelle Musique (Editions Balland, 1996), Terry Riley prit conscience au cours des années 80 que ce qu'il concevait jusque-là comme des activités complémentaires, mais séparées (chanter, improviser aux claviers, composer) formaient finalement un tout. Ainsi, de 1992 à 1998, au festival MANCA, Michel Redolfi découvrit cet autre Terry Riley qui ce cache derrière cette humble légende vivante.

Celui qui "est à la fois jazzman, homme orchestre, écrivain mystique et anarchiste". Michel Redolfi lui proposa donc "la composition d'un disque témoignant de sa nouvelle sensibilité, en usant des multiples ressources du studio CIRM". Atlantis Nath, élaboré à Nice entre 1992 et 1998, illustre les multiples visages du compositeur / interprète. Il permet notamment d'apprécier pleinement le chant de Terry Riley, qui ne se faisait entendre qu'en concert ou dans le cadre de ses cours et fut rarement capté sur disque. Sa voix se situe tout de même quelque part entre celles de Robert Wyatt et de Nusrat Fateh Ali Khan !

Le studio CIRM de Nice semble avoir été une véritable aire de jeu pour Terry Riley. Sur plusieurs titres (Crucifixion Voices, Emerald Runner, Gha Ten In in Darbari, Only a Day…) il démultiplie sa voix par le re-recording, chantant en canon avec lui-même ou formant un chœur à lui seul. Terry Riley prend ainsi une très grande liberté avec la tradition raga qui lui a été enseignée. Il nous livre des moments de véritable transe chamanique. Sur d'autres titres l'atmosphère est tout aussi méditative, mais beaucoup plus jazzy. Sur Remember This, notamment, Terry Riley chante dans un style gospelisant, en tout cas très bluesy, en se faisant accompagner par un quintet à cordes de l'opéra de Nice. Sur la longue pièce Ascención, on retrouve le Riley des longs récitals au piano des années 80/90. Le titre Derveshum Carnivalis est aux antipodes, avec ses rythmiques d'orchestre aussi étranges que déglinguées. Tout au long de l'album, voire au cours d'un même morceau, Terry Riley jongle ainsi avec différents registres et traditions (indiennes, médiévales, contemporaines…), s'accompagnant souvent d'orchestres virtuels, créés au synthétiseur.

Sur le dernier morceau de l'album, The Crucifixion of My Humble Self, travaillant toujours sa voix en re-recording, Terry Riley accompagne une lecture par John Deadrick d'un texte de l'artiste "fou" Adolf Wölfli (1864-1930).

© Eric Deshayes - neospheres.free.fr